La peinture numérique, c'est facile

Une remarque me revient en mémoire, celle de l'organisateur d'une exposition à laquelle j'ai participé il y a quelques années. Alors que ce monsieur faisait le tour des exposants, il avait pris soin de me lancer cette remarque : "Ah, c'est vous, la peinture numérique ! C'est pas mal ce que vous faites mais le numérique, franchement, c'est facile...".

Je ne me rappelle plus bien ce que je lui ai répondu mais pris au dépourvu, j'ai eu du mal à rassembler mes arguments. Je crois lui avoir simplement dit que si c'était si facile, je me demandais pourquoi il ne s'y était pas mis lui-aussi. Comme tout d'un coup, cette histoire me revient en tête, je me permets une petite réponse a posteriori, qui pourra toujours être adressée à ceux qui ont ce genre d'opinion.

Pour commencer, je ne vais pas nier les facilités du travail en numérique : pas de salissure, possibilités de corrections à l'infini, copies immatérielles, traitements sophistiqués qui peuvent donner l'illusion de transformer en un clic une photo ratée en magnifique peinture impressionniste... Heureusement qu'il y a des avantages, sinon, ça n'aurait strictement pas d'intérêt ! Et c'est justement cette facilité qui permet de se concentrer sur l'essentiel de la création.

Toutefois, maîtriser vraiment cette technique, au delà du simple bricolage de photo en amateur, nécessite un certain apprentissage voire un minimum d'expertise : manipuler la palette, connaître les logiciels et leurs nombreuses fonctions et s'y retrouver dans les formats et réglages adéquats pour assurer un rendu de qualité, ça ne se fait pas en 5 minutes. J'avais vraiment envie de mettre mon ordinateur dans les mains de ce monsieur pour l'inviter à démontrer avec quelle facilité il pouvait produire un chef-d’œuvre !

Au delà de la technique, il faut s'intéresser à l'aspect artistique. Et l'on en revient aux sempiternels fondamentaux concernant l'art... Chacun pense ce qu'il veut là-dessus mais pour ce qui me concerne, l'art, ce n'est pas du cirque : la qualité d'une œuvre ne se mesure certainement pas à la difficulté qu'il y a à la produire. Combien d’œuvres géniales ont-elles été créées avec une relative facilité en comparaison d'horribles croûtes issues d'un long travail minutieux et acharné ? Qu'il n'y ait pas de malentendu : je ne prône ni la facilité ni cette illusion à la mode qui déconnecte la reconnaissance de tout mérite mais au fond, cette question de l'effort de l'artiste reste anecdotique.

Laissons donc le labeur aux artistes et évaluons les œuvres pour ce qu'elles sont une fois achevées, pour leur rayonnement propre. D'ailleurs, à ce sujet, je pense que la manière dont une œuvre est perçue est au moins dix fois plus importante que l'intention de l'artiste qui me semble bien secondaire voire parfois perturbante. Arrêtons donc de chercher à comprendre : percevons ! Simplement, directement. C'est ça, apprécier l'art. Tout le reste n'est que masturbation intellectuelle collatérale (à commencer par cet article bien sûr)...

Bref, la remarque de ce jour-là m'a fait l'effet d'un joli malentendu. C'était comme nier l'intérêt d'un livre sous prétexte que son auteur a utilisé le correcteur orthographique de son traitement de texte ! Même s'il vaut mieux pour lui qu'il la maîtrise, le talent d'un écrivain ne se mesure pas à son niveau d'orthographe. Ne pas comprendre cela, c'est à mon sens, passer à côté de l'essentiel.

Quoi qu'il en soit, je termine ces mots en remerciant l'organisateur de cette exposition d'avoir accepté de m'y accueillir malgré tout...



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