Mirage d'anges heureux

Extraits choisis

livre Il marcha sur l'herbe bleue couverte de feuillages en putréfaction. Au bord de l'allée, il y avait un gros tas de bois d'arbre et juste derrière un petit tas de bois de cerf pour les cheminées non végétariennes.

Il était trois heures et douze centièmes de l'après-midi. […]Des moutons remontaient la rue à quatre pattes pour ne pas se fatiguer la cinquième.

Il imaginait déjà des rhinocéros à angles droits, des framboises à plumes, des maisons dansantes, des clés torrides qui titilleraient doucement des serrures gémissantes, des agents immobiliers à quatre pattes brandissant des pancartes molles, des livres pleurant leurs mots douloureux, des stylos rampants à encre marine, des mineurs chantant une cantate en la miné, des nuages marrons et rugueux sur lesquels des échassiers viendraient s'essuyer les pieds au milieu d'une allée bordée de tilleuls et de verveines-menthes que les petites vieilles goûteraient du bout des lèvres en riant du bon vieux temps...

Le silence prit place entre eux deux en leur effleurant les hanches.

Ce fut encore pire lorsqu'il fut prévenu qu'il n'avait plus que jusqu'au 15 avrai, minuit, pour envoyer sa déclaration d'amour, le comprimé de la poste faisant foi.

L'artiste jaloux rêvait d'attraper ce zouave, de le saucissonner à plat ventre dans les orties, de lui emmurer les orteils, de lui thermoplâtrer le longeron central et de le projeter sous une chaise à porteurs à pleine vitesse.

Le garçon avait relevé son col pour dégager ses orteils.

Le ciel avait du jus de navet dans les veines et l'espoir était devenu si visqueux que des moustiques angora s'y trouvaient emprisonnés.

L'homme-tronc l'avait d'emblée appelé "vieille branche", familiarité suspecte.

Il ne buvait plus de binouze au cyanure, c'était mauvais pour sa circulation

Ce soir du 11 brumembre en fut l'illustration parfaite. Théodule, costume douze pièces et cravate en titane forgé, entra aux Ablutions-Piscines avec Clélia au bras, longue robe moulante en raphia vingt-deux carats.

Certains patients ressentent un vif plaisir dès l'intervention mais d'autres connaissent pendant quelques jours d'affreuses douleurs financières qui ne sont que des effets secondaires.

Je vais vous prescrire un boîte de gélules de cristal pour que vous ne perdiez pas la boule. Vous en prendrez deux le matin en cas de démenceaison.

On vendait décidément de tout au gigamarché : de la bouffetance enrichie en radioéléments, des livres de moches bourrés d'écrits vains, des réfrigérateurs avec beurrier anatomique pour homéosexuels, des couches bousues, des coupe-boulons pour fildeféristes kamikazes, des cucurbitacées en plastoc, des sacs à pied en cuir, et cetera, et cetera.

Au cossimmariat, tout fut expédié très vite. Le détenu fut entendu par le cossimmaire principal, un homme d'assez grande taille, ventripuleux et grisouaillant à souhait, avec son imper gris et ses chaussettes rose bonbon. Le jeune homme lui avoua sans détour qu'il était bien celui qu'ils recherchaient depuis plusieurs mois et trente-neuf minutes. Alors le fonctionnaire recala ses grosses fesses au fond de son siège. Il semblait surpris de voir le prisonnier coopérer d'emblée. Ça ne devait pas arriver souvent.

Alors qu'il séchait ses larmes sur son tanquarville de poche, Mandarine arriva pour lui rendre visite. Elle lui apportait ses deux oranges quotidiennes. Elles étaient bleues comme les océans de la Terre sous les nuages.

Il dévisageait les passantes et leur dérobait la couleur de leurs yeux pour ne rien oublier de leur magie fascinante.

Pour vivre il fallait admettre de se soumettre au système et dès qu'on le faisait, il vous empêchait de vivre. Bizarrement, la vie active rendait passif.

Il pensait à tout cela en rangeant machinettement ses rondelles sur l'étagère à bulbe. Mais il laissa tomber une belle pièce en albâtre qui se brisa en mille morceaux. Il grommela et rafistola l'objet avec empressement, après quoi il arrosa ses deux thymus d'appartement qui souffraient toujours de dessiccation chronique.

Il croisait les filles en leur scannant le décolleté d'un regard bien bandé, et avait même failli se prendre les pieds dans une tondeuse à trottoir bi-place que poussait avec peine une jeune mère de jumeaux.

Le jeune homme sentait son cou se crisper et se mettre à vibrer de stressitude. Il pensa que ce n'était pas la peine d'être si tendu mais c'était plus fort que lui. En tout cas, il ne regrettait pas d'avoir mis son beau bénard en pierre de taille.

Ce soir-là, le garçon marcha sur des nuages qui n'étaient pas de sa pointure.

Les gars du Bartoumo furent tous lacérés, à l'exception du capitaine qui réussit de justesse à s'échapper, avec une jambe en moins. Le score fut finalement fixé à 8 - 11 - 1. Même avec une jambe en moins, un joueur qui résiste sur le terrain compte pour un point. Pourtant, l'arbistre fut fusillé en fin de partie pour score erroné. Beau match, belle soirée.

Les deux jeunes personnes s'observaient en déglutissant le peu de salive qui restait encore dans leurs petites bouches qui se desséchaient à vue de nez. Théodule scrutait les cils de la belle, de la racine jusqu'à la pointe. Il en appréciait la courbure souple et légère. Clélia regardait les mains crispées de son ami. Elle cherchait à comprendre ce que ces mains voulaient dire.

Le ciel n'y allait pas avec le dos de la main morte.

Le damoiseau mourrait d'envie de caresser l'interfesse de son amie, cunéiforme, mais il se retenait et convisageait d'attendre la fin du tunnel. Soudain, trois gros bisous retentirent dans le quartier.

Elle essuya ses bottines en scaille qui exsudaient un excédent de nitroglycérine.

La page d'introduction avait été arrachée, mais c'était un moindre mal car elle n'avait jamais été écrite.

Ils avaient été dîner dans un restogrec dans lequel on fracassait des assiettes en les propulsant sur le sol à l'aide d'une vieille roquette anti-charme. Les morceaux de porc celaine obtenus étaient ensuite servis avec la sauce métouffe traditionnelle et de petites pyramides de pommes de mer séchées.

Ils virent des sauterelles géantes danser la carmagole en brisant leur camisole de force, des triangles se déformer en faisant les yeux doux à des cercles gonflés d'orgueil, des hastéro-haches voltiger en sifflotant, des sous-vêtements féminins sortir d'un magnétron pour aller visiter une usine d'armement, l'abominable homme des pluies jouer des claquettes avec un chapeau de paille et des lunettes souriantes...

La saldeau était une pièce triangulaire mais presque carrée car le quatrième côté de sa surface avait commencé à pousser. C'était un endroit blanc mais humide. Très souvent, on s'y sentait propre.

Clélia se brossait les tiffes devant la glace à deux boules. Son compagnon s'était assis sur le rebord de la doucheuse électrique en prenant garde de ne pas l'allumer d'un coup d'os illiaque.

On cherche trop de nos jours à tout comprendre et critiquer, tout comme on cherche systématiquement des causes et des responsables. Ce n'est pas une mauvaise démarche mais il ne faut pas perdre de vue qu'il est prioritaire d'apprécier les choses pour ce qu'elles sont de manière brute et directe.

- Qu'est-ce qu'on vous sert ? demanda l'homme de bar dont le neupape était descendu jusqu'aux roubignoles.
- On me sert gentiment un Paic citron frappé, s'il lui plaît...
- Et pour vous, Mademoiselle, ce sera ?
- Ce sera un coca, sans sucre, sans caféine, sans eau et sans cola, s'il vous plaît.

Merci, vous me faites du bien, dit-elle en essuyant une larme de dix litres avec discrétion.

Les pitancheurs avaient un formidable sujet de conversation qui leur permettait de passer du bon temps, même si la nervosité avait gagné l'air ambiant et dégageait des aspérités fébriles qui se posaient sur les murs en chuchotant des insanités aux gouttes de condensation.

D'autres devenaient pilotes de sanibroyeur XFA-30, un engin redoutable, capable de catapulter une dysenterie de calibre douze à quatre virgule cinq années-lumière.

Le confit avait éclaté le jour où des terroristes zaffreux avaient osé contourner un avion avec des cagoules.
L'espérance se donna la mort en hurlant à la trahison.

Il faudrait se rebeller, refuser de prendre les armes et aller serrer nos ennemis dans nos bras. […] La guerre contre la bêtise n'est-elle pas la seule qui soit légitime ? […] Dis-leur que faire la guerre n'est pas un acte de courage, dis-leur que celui qui la refuse est bien plus fort !

On le conduisit de force devant un homme qui portait des soutatanes et un tablier d'ecclésiastique tâché de sang. […] Ils s'installèrent dans des doubles latrines où ils pouvaient déjecter les péchés sans être dérangés.

La vie n'est pas un combat mais une œuvre d'art, la plus belle, la plus grande œuvre qui fait de chacun d'eux d'immenses artistes prêts à combler leur public.



Commentaires

  1. Anonyme

    J'ai l'impression que vous avez mis sur le papier tout ce qui se passe dans ma tête . Vous êtes une oasis dans le desert de la vie

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